Modes intrasaisonniers régionaux

Modes intrasaisonniers régionaux

Intérêt

L’analyse statistique de la variabilité de différentes variables dynamiques, thermodynamiques et précipitations de la mousson ouest-africaine met en évidence plusieurs de modes de variabilité intrasaisonnière. A la différence des ondes équatoriales, ces modes ne correspondent pas à des modes normaux solutions d’un système d’équations, mais à des modes principaux empiriques issus d’une analyse en composantes principales des observations ou analyses sur une période donnée la plus longue possible. Ces modes étant associés à une modulation de l’activité convective de la WAM, il est intéressant pour le prévisionniste de les détecter à partir des analyses et des prévisions. Il est possible d’en extraire des indices pour chaque type de mode synthétisant l’évolution de son activité. Trois principaux modes de variabilité de la WAM sont présentés ci-dessous:

  • Le mode HL dans la gamme 14 jours
  • Le mode QBZD dans la gamme 10-25 jours
  • Le mode Sahélien dans la gamme 10-25 jours

Structure et caractéristiques des modes régionaux

1. Le mode HL

Modèle conceptuel

Outre un fort cycle diurne, le HL présente un mode de variabilité intrasaisonnier d’une période de l’ordre de 15 jours, marqué par deux phases opposées illustrées par la figure ci-contre.

  • Durant la phase Est (HLE) la ventilation par le vent de nord à 850 hPa est renforcée sur la côte mauritano-marocaine et au contraire affaiblie sur l’Est de la Méditerranée. Il en résulte un renforcement du HL à l’Est et à l’opposé son affaiblissement à l’Ouest avec un décalage de sa position vers l’Est l’éloignant de la côte atlantique. De manière cohérente avec le renforcement des alizées et de l’anticyclone des Açores qui est plus intense et resserré.
  • La situation s’inverse durant la phase Ouest (HLW) avec en particulier une ventilation accrue sur le Sahel Est. Cette phase est marquée par une extension de l’Anticyclone des Açores sur l’Europe et son affaiblissement sur l’Atlantique.
Structure composite des phases HLE (haut) et HLW (bas) à 850 hPa filtrée dans la bande 10–60-jours: pour les anomalies de température potentielle (K) en couleur, et de vent (vecteurs en m/s). Les isolignes noires (intervalle de 2 K au-dessus de 38 K) représentent le HL. Le champ de pression réduite au niveau de la mer (MSLP) est superposé pour mettre en évidence l’Anticyclone des Açores (isolignes vertes entre 1016 and 1024 hPa, intervalle de 2hPa). Source: Figure 2 adaptée de Roehrig et al. 2011).

Impact sur la convection

Le mode HL module l’activité convective sur la Sahel comme illustré par le composite ci-dessous.

  • Durant la phase HLE le système de mousson se renforce à l’Est avec un HL plus puissant, d’où un renforcement de l’activité convective.
  • Ensuite le HL faiblit avec le renforcement de la ventilation à l’Est (correspondant à l’arrivée d’un événement du type ”Cold surges“ de Vizy and Cook, 2009), faisant reculer le FIT et réduisant l’activité convective à l’Est.
  • La convection se propage alors vers l’Ouest (~7 ms-1) pour atteindre le Sahel Ouest durant la phase HLW une semaine après la phase HLE, permettant un renforcement de la WAM à l’Ouest et de la convection.
Hovmoller longitude-temps du composite de l’anomalie d’OLR (moyennée entre 12.5 and 17.5N) de la différence entre les phases HLW et HLE (adapté de Chauvin et al. 2010). Le contour épais indique les zones avec un niveau de confiance supérieur à 95%

Propriétés du mode HL

  • Période ~15 j. Opposition entre l’Est et l’Ouest du Sahel
  • Phase HLE : Faible ventilation à l’Est avec un renforcement du HL, du flux de mousson et de l’activité convective.
  • Phase HLW : Fort refroidissement sur l’Est de la Méditerranée se propageant vers le sud en direction du Sahel Est (~4 ms-1) qu’il atteint 4 jours plus tard, correspondant à un événement”Cold surge“ qui réduit l’activité convective. A l’opposé sur le Sahel Ouest le HL se renforce et s’étend en se rapprochant de la côte atlantique et l’activité convective s’intensifie.
  • Entre les 2 phases le renforcement de la convection se déplace d’Est en Ouest.
  • Le basculement entre phase HLE et HLW est favorable au déclenchement de la mousson (onset) sur le Sahel Ouest.
  • Ce mode intrasaisonnier du HL est forcé par les ondes de Rossby des moyennes latitudes qui précédent de 4 jours le mode HL (cf. objet ”Interactions avec les moyennes latitudes“ pour plus de détails).
  • Il interagit également avec les ondes équatoriales (ondes de Rossby et mode sahélien) – (cf. objet ”Ondes équatoriales“ pour plus de détails).

2. Le mode du dipôle zonal quasi bihebdomadaire (QBZD)

Le dipôle zonal quasi bihebdomadaire (QBZD
en anglais) est le mode de variabilité dominant sur l’Afrique de l’Ouest dans la gamme 10-25 jours. L’aspect de «dipôle» se réfère à une oscillation quasi stationnaire avec une opposition de phase entre les pluies africaines et les pluies sur l’Atlantique ouest et
l’Amérique centrale. La figure ci-contre montre sa structure composite.

Quand la convection est minimale sur l’Afrique de l’Ouest et centrale, le rayonnement solaire atteignant la surface est fort, ce qui augmente les températures de surface et diminue les pressions de surface. Ceci crée un gradient de pression est-ouest aux latitudes de la ZCIT et de la dépression thermique saharienne, conduisant à une augmentation de l’advection d’humidité sur le continent.

Structure composite en termes de modulation d’OLR non filtrées (W m–2) du mode intra-saisonnier du dipôle zonal quasi hebdomadaire (QBZD). Source: extrait de la Figure 7.11 du Handbook

L’arrivée de l’Atlantique d’un signal positif de pression, associé à la structure d’une onde de Kelvin, amplifie la composante zonale des vents de basses couches et l’advection d’humidité sur le continent conduisant à une augmentation de l’activité convective au-dessus de l’Afrique de l’Ouest et centrale. Puis la phase opposée du dipôle se développe (Mounier et al., 2008). Ce mode est aussi présent au printemps.

C’est un mode couplé avec la surface et modulé par le passage des ondes de Kelvin.

3. Le mode « Sahélien »

Le « mode sahélien » est le second mode de variabilité 10-25 jours a été détecté par Sultan et al. (2003). Il est caractérisée par une structure en bipôle d’activité convective en opposition (renforcement / réduction) entre l’Afrique centrale et le Sahel Ouest (Figure ci-contre) .

L’augmentation de la convection dans l’ITCZ africaine est associée à un mode propagatif 

  • apparaissant d’abord sur l’Afrique centrale (Phase Sahel+, Fig. (g) ci-contre),
  • se déplaçant vers le nord vers les latitudes sahéliennes pendant 2-4 jours (b) et (d),
  • puis se propageant vers l’ouest vers l’Atlantique tropical Est (f), (h) et (a),
  • et quitte l’Afrique, en laissant derrière (à l’Est) une phase de réduction de la convection sur le Sahel (e), (g) et (b).

Cette structure est associée à une circulation cyclonique positionnée au nord-ouest du pôle de renforcement convectif (zone bleue la structure de dipôle), augmentant l’advection d’humidité vers ce pôle.

L’activation de ce mode est reliée à l’arrivée d’ondes de Rossby équatoriales (ER) sur l’Afrique de l’Est en provenance de la mousson indienne.

Structure composite en termes de modulation d’OLR non filtrées (W m–2) du mode intra-saisonnier sahélien. Source: extrait de la Figure 7.11 du Handbook.
Evolution de la structure composite du mode Sahélien filtrée dans la bande 10-60 jours pour : (colonne de gauche) différentes phases précédant (-6, -4, -2 jours) la phase la plus active sur l’Afrique centrale (Sahel+), et (colonne de droite) y succédant (+2, +4, +6 jours). En couleur les anomalies d’OLR (W m-2), de vent à 925 hPa (vecteurs), et le géopotentiel à 700 hPa (intervalle de 1 gpm). Source : Figure 1 de
Roehrig et al. (2011).

4. Couplage entre les modes HL, Sahélien et ondes équatoriale de Roosby

Le mode Sahélien peut être expliqué en partie par la variabilité intrasaisonnière des moyennes latitudes moyennes via la dépression thermique saharienne (cf. mode HL) pour environ 1/3 des cas ( Roehrig et al. 2011) et par la dynamique des ondes équatoriales de Rossby pour un autre 1/3 des cas (Janicot et al. 2010).

La figure ci-dessous schématise le scénario d’interaction favorable entre les ondes de Rossby équatoriales et des latitudes tempérées conduisant via le mode HL, à un renforcement du mode Sahélien.

  • Phase HLE :
    • Ventilation renforcée sur la côte mauritano-marocaine et au contraire affaiblie sur l’Est de la Méditerranée.
    • Le HL se renforce et se décale vers l’Est
    • Onde de Rossby quasi-stationnaire sur l’Europe à 700 hPa associée à une succession de circulation cyclonique/anticyclonique
    • Circulation cyclonique sur la Syrie se propage vers l’Egypte, Soudan, Tchad (flèche noire courbée)
  • Phase HLE+5 = Phase Sahel+ :
    • Renforcement du flux de mousson au sud-est du HL maximum (en rouge)
    • et renforcement de la circulation cyclonique à 700 hPa sur le Tchad
    • => renforcement de la convection (symbole Cb +) correspondant à la phase Sahel+
  • Phase HLE+8 = HLW :
    • Inversion de la situation par apport à celle de la phase HLE
    • forte ventilation à l’Est correspondant à un événement « cold surge » réduisant la convection à l’Est
    • Renforcement HL et du flux de mousson à l’Ouest
    • Propagation de l’anomalie de tourbillon cyclonique à 700 hPa associée à une onde ER
    • Propagation vers l’Ouest du renforcement convectif sur le Sahel
  • Phase HLE+12 = Phase Sahel- :
    • Effondrement de la convection à l’Est suite au « cold surge »
    • Renforcement de la convection à l’ouest
    • Le HL à l’Ouest s’effondre (en bleu HL-) suite à l’activité convective
    • l’anomalie de tourbillon cyclonique à 700 hPa arrive sur l’Atlantique
Scenario conceptuel de l’interaction des ondes de Rossby équatoriales et des moyennes latitudes via le mode HL. Deux niveaux sont identifiés. Les anomalies de circulation cyclonique/anticyclonique à 700 hPa sont schématisées par des cercles pleins et pointillées et les flux de ventilation et de mousson par des flèches plus ou moins épaisses suivant leur intensité. La position et l’intensité du HL sont schématisées en rouge si renforcée ou en bleu affaiblie.

Les produits adaptés

MISVA

Références

Handbook

Chapitre 7 Prévision à l’échelle intra-saisonnière

  • Section 7.1.3 Détection des modes principaux de variabilité sub-saisonnière de la convection pages 438-440
  • Section 7.1.5Autres signaux couplés à la convection et leurs liens avec les ondes équatoriales pages 450-459
    • 7.1.5.1 Les signaux entre 10 et 25 jours

Articles

Chauvin F, Roehrig R, Lafore JP. 2010. Intraseasonal variability of the Saharan heat low and its link with midlatitudes. J. Climate. 23: 2544-2561.

Mounier F, Janicot S, Kiladis GN. 2008. The West African Monsoon Dynamics. Part III: The Quasi-Biweekly Zonal Dipole. J. Climate. 21: 1911-1928.

Roehrig R, Chauvin F, Lafore J-P. 2011. 10-25 day intraseasonal variability of convection over the Sahel: a role of the Saharan heat low and midlatitudes. J. Climate 24: 5863-5878

Sultan B, Janicot S, Diedhiou A. 2003. The West African Monsoon Dynamics. Part I: Documentation of Intraseasonal Variability. J. Climate. 16: 3389-3406.

Vizy EK, Cook KH. 2009. A mechanism for African monsoon breaks: Mediterranean cold air surges. J. Geophys. Res. 114 : D01104. doi :10.1029/2008JD010654.

Vizy EK, Cook KH. 2014. Impact of cold air surges on rainfall variability in the Sahel and wet African tropics: a multi-scale analysis. Clim. Dyn. 43: 1057-1081. doi: 10.1007/s00382-013-1953-z.

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