Le système de mousson ouest-africain (WAM)

Le système de mousson ouest-africain (WAM)

Introduction

Une mousson est un système couplé atmosphère-océan-continent. Plusieurs spécificités géographiques font de la mousson ouest-africaine un système unique, avec comme seul éventuel analogue la mousson australienne, avec cependant un continent beaucoup moins étendu : l’Afrique de l’Ouest est située à proximité de l’équateur, ses reliefs sont peu élevés, elle est entourée d’eau sur trois de ses façades (Atlantique au sud et à l’ouest, Méditerranée au nord), et englobe, au nord, le plus grand désert du monde, le Sahara. Sa configuration quasi-zonale en fait, au premier ordre, un système bidimensionnel.

Modèle conceptuel

1. Principaux acteurs du système de mousson

Pendant l’été boréal, le continent africain se réchauffe rapidement et devient plus chaud que les eaux de l’Atlantique Est équatorial dans le Golfe de Guinée. Ce contraste thermique entre deux surfaces aux inerties très différentes induit une réponse de l’atmosphère à grande échelle.  Une « brise de mer » d’échelle régionale se forme, permettant la pénétration sur le continent africain d’un flux d’air océanique frais et humide de sud-ouest appelé flux de mousson. Ce dernier, en remontant vers le nord-est, rencontre  au nord du Sahel un flux d’air au contraire chaud et sec, en provenance du Sahara, comme schématisé sur la figure ci-contre. Les pluies de mousson se produisent sur le continent dans la zone (grise) d’interaction entre ces deux masses d’air.

Au printemps, le renforcement des Alizés de sud-est en provenance de l’hémisphère sud et associés à l’anticyclone de St Hélène, favorise par mélange vertical et transport horizontal la formation d’une langue d’eau froide dans le Golfe de Guinée (zone océanique en bleue), près de l’équateur. Sous l’effet du contraste thermique océan-continent, les Alizés de sud-est peuvent traverser l’équateur (flèches bleues), et deviennent un vent de sud-ouest sous l’action de la rotation terrestre. Ils pénètrent sur le continent où ils alimentent alors le flux de mousson dans les basses couches de l’atmosphère (1-2 km). Le réchauffement continental est maximal sur le Sahara, où s’installe un immense dôme d’air chaud, pouvant atteindre une épaisseur de 4-5 km, et appelé Dépression Thermique Saharienne (HL par la suite pour Heat Low). Cette dépression de surface permet, au niveau du Front Inter Tropical (FIT vers 20°N), la convergence entre le flux de mousson frais et humide et les Alizés de nord, chaud et sec (Harmattan – flèches rouges), en provenance de la Méditerranée et de l’Atlantique Nord.


Les principaux acteurs de la mousson Ouest africaine (a). Un flux d’air humide et froid arrive du golfe de Guinée (en bleu) via les alizés (flèches bleues) et se heurte à une masse d’air chaud, la dépression thermique saharienne (en jaune) où circule l’Harmattan (flèches rouges). La zone de pluie qui en résulte (en gris) est parcoure par le jet Est-africain (JEA flèche noire). Dans les faits, ce jet oscille (b) et forme une onde où se nichent des systèmes convectifs.

Le fort contraste thermique entre ces deux masses d’air dans la bande sahélienne est responsable de la formation du Jet d’Est Africain (JEA) vers 4 km d’altitude. Il s’agit d’un schéma moyen, mais en réalité ce Jet d’Est Africain ne peut rester rectiligne et constant. Faiblement instable et sous l’effet de forçages extérieures comme la convection, il oscille autour de sa position moyenne tout en se propageant vers l’ouest à des vitesses de  l’ordre de 800 km/jour formant ainsi les ondes d’est africaines (AEW par la suite). De longueur d’onde de 2000 à 3000 km, leur passage est associé à des oscillations du temps de l’ordre de 4-5 jours.

2. Structure bidimensionnelle et objets composant la mousson africaine

Le schéma ci-contre rappelle la structure méridienne moyenne de la mousson caractérisée par une forte baroclinie dans les basses couches diminuant avec l’altitude cohérente avec les variations nord-sud de la convection : la convection humide est prédominante au sud du JEA, et la convection sèche au nord. La convection humide la plus profonde a lieu juste au sud du pic du JEA, et la convection sèche dans la couche d’air saharien (SAL pour Saharan air layer, en jaune) a lieu au nord du JEA. Elles sont séparées par une importante zone de transition, dans laquelle le flux de mousson se glisse sous l’air saharien. L’air saharien relativement chaud qui surplombe le flux de mousson crée une inhibition convective significative (CIN), et conduit à l’augmentation de l’énergie potentielle convective disponible (CAPE) dans la couche limite. À ceci s’ajoutent le fort cisaillement de vent du JEA et le fait que la couche d’air saharien est très sèche, éléments qui favorisent la formation de subsidences convectives intenses. La région située juste au nord du JEA est donc très favorable au développement de lignes de grains tropicales bien que plus rares.

Coupe verticale schématique le long du méridien de Greenwich montrant la dépression thermique saharienne (HL), le JEA, la ZCIT, et les jets d’est tropical (TEJ) et d’ouest (STJ) sont représentés bleu clair, ainsi que la SAL (en jaune). Les variations méridionales de la température potentielle sont données par la courbe θ sur la figure du bas, et par les contours continus sur la figure du haut. Celles de la température potentielle équivalente par la courbe θe. La dépression de mousson est située juste au nord du JEA. Source : Figure adaptée de la Figure 10 de Parker et al. (2005a).

En haute troposphère les jets d’est tropical (TEJ) et d’ouest sub-tropical (STJ) respectivement au sud et au nord de la ZCIT (représentés en bleu clair), sont renforcés lors des phases actives de la ZCIT forçant une forte circulation divergente anticyclonique en altitude.

3. Structure tridimensionnelle

Au printemps, le continent se réchauffe alors que les eaux du Golfe de Guinée se refroidissent, formant la langue d’eau froide. Sous l’effet de ce contraste, les Alizés de sud-est traversent l’équateur, pivotent en un vent de sud-ouest et pénètrent sur le continent où ils forment le flux de mousson dans les basses couches de l’atmosphère (flèches bleues). Le réchauffement continental est maximal sur le Sahara, où s’installe un immense dôme d’air chaud (en rouge), pouvant atteindre une épaisseur de 4-5 km, et appelé Dépression Thermique Saharienne (HL). Cette dépression de surface permet la convergence, au niveau du Front InterTropical (ligne pointillée bleue FIT, vers 20°N), entre le flux de mousson frais et humide et les Alizés de nord, chaud et sec (Harmattan), en provenance de la Méditerranée et de l’Atlantique Nord.

Le contraste entre ces deux masses d’air induit dans la bande sahélienne un fort gradient méridien de température, responsable de la formation du Jet d’Est Africain (JEA, tube jaune). L’existence du JEA en moyenne altitude (600-700 hPa) favorise le développement des ondes d’Est. La convection est favorisée autour du thalweg des ondes d’Est. Globalement la convection s’organise en majorité au sud du FIT et du JEA, là où l’instabilité convective est maximale, formant la zone de convergence intertropicale (ZCIT), située vers 10-15°N en juillet et août. La combinaison du fort cisaillement de vent dans la basse atmosphère et de l’air sec surplombant le flux de mousson favorise la formation de lignes de grains se propageant rapidement vers l’ouest grâce à de puissants courants de densité.

Vue tridimensionnelle de la WAM durant sa phase la plus active, représentant ses principales composantes. © Météo-France.

Dans la haute troposphère, la ZCIT induit un écoulement divergent anticyclonique qui renforce au sud le Jet d’Est Tropical (JET, tube vert) et au nord le Jet d’Ouest Subtropical (JOST, tube bleu). Le JET correspond à la branche d’altitude de la cellule de Walker, initiée par la mousson indienne et s’atténuant sur l’Afrique. Enfin, la HL est surmontée au-dessus de 500 hPa par une forte subsidence (zone jaune) correspondant à la circulation indirecte de la cellule de Hadley locale, et empêchant le développement de la convection profonde sur le Sahara.

4. Cycle saisonnier des précipitations

Le diagramme de Hovmöller de la Figure ci-contre documente la migration méridienne des pluies au cours de l’année sur l’Afrique de l’Ouest. Les éléments suivants peuvent être soulignés :

  • la pénétration assez lente des pluies sur le continent avant août , contrastant avec un retrait bien plus rapide
  • dans la région de la côte guinéenne, une première saison des pluies en mai/juin plus arrosée que la seconde ;
  • un saut de mousson (onset) autour du 24 juin suivi de la petite saison sèche dans les régions guinéennes.
Diagramme de Hovmöller des pluies quotidiennes lissées par une moyenne mobile de 15 jours, et moyennées zonalement entre 10°W et 10°E. Source : Tropical Rainfall Measuring Mission (TRMM) 3B42 Version 7, 1998-2012. Source: Figure 1.4b du Chapitre 1 du Handbook.

5. Variabilité intra-saisonnière

La figure ci-contre illustre la variabilité intra-saisonnière de la mousson en terme de précipitations pour une année particulière 2009 correspondant à l’occurrence d’un événement extrême à Ouagadougou le 1er septembre. Outre une forte variabilité journalière caractéristique du Sahel, l’analyse en ondelettes met en évidence 4 bandes de variabilité aux échelles synoptiques (3–5 jours) et intra-saisonnières courtes (10-15 jours), moyennes (20-30 jours) et longues (40-90 jours).

La pause fin juillet 2009 correspond à une faible variabilité aux échelles inférieures à 25 jours, alors que l’évènement extrême de Ouagadougou coïncide avec une forte variabilité à toutes les échelles, une condition favorable à l’occurrence d’extrêmes. La comparaison avec la climatologie montre que le retard du début de la mousson (Onset) en 2009 correspond à une faible variabilité intra-saisonnière jusqu’à l’échelle de 60 jours, alors que lors de la fin de saison très pluvieuse la variabilité est forte à toutes les échelles.

Cette variabilité à différentes échelles spatio-temporelles modulent fortement les pauses et phases actives de la mousson et est associée à des ondes équatoriales et des latitudes tempérées présentant un caractère plus ou moins prévisible. Il est donc essentiel pour les prévisionnistes de suivre et prévoir ces modes de variabilité intra-saisonnière augmentant la prédictibilité du système de la mousson africaine. Ces variabilités sont documentés par ailleurs sur ce site MISVA.

(a) Cycle annuel des précipitations TRMM en 2009 (mm day−1), moyennées sur un degré carré centré sur Ouagadougou (12–13N, 1–2W) pour : les données quotidiennes (barres) et la climatologie (1998-2013 en orange). Le cycle annuel en 2009 filtré à 90 jours est superposé (courbe pointillée). La variabilité intrasaisonnière est illustrée par la courbe noire pointillée filtrée à 10 jours. Les courbes rouges correspondent au cumul de précipitation (mm) depuis le 1er janvier en 2009 (pointillé) comparé à la climatologie (trait continu). (b) Analyse en ondelettes des précipitations Wavelet analysis of TRMM.

6. Variabilité interannuelle et décennale

La variabilité des cumuls annuels de pluie associé à la WAM est très forte aussi bien d’une année sur l’autre que d’une région à l’autre comme illustré ci-dessous pour les zones Sahel Occidental et Central. Cela montre l’extrême difficulté actuelle à prévoir les précipitations pour une saison donnée. Outre cette variabilité interannuelle, l’évolution sur cette période de près de 60 ans exhibe des oscillations aux échelles décennales avec la période humide jusqu’aux années 60, puis une période sèche dans les années 70 et 80 et un retour à la normale pour le Sahel Central au milieu des années 90, mais pas pour le Sahel Occidental. Le cumul annuel cache cependant le caractère extrême ou pas des événements. Ainsi un des enjeux est également de prévoir ces extrêmes aux conséquences désastreuses (pertes humaines et inondations dévastatrices…) et dont la fréquence augmente dans le cadre du changement climatique en cours (Panthou et al. 2014).

Localisation des zones Sahel Occidental et Central, pour lesquelles sont montrés ci-contre les évolutions de l’indice normalisé du cumul annuel de précipitations sur la période 1950-2007. Source: exposé de T. Vischel et al. (2015) dans le cadre du projet ESCAPE.
Sahel Occidental
Sahel Central

7. Video de synthèse

L’extrait de film proposé ici permet de présenter le système océan-surface-atmosphère de la mousson ouest africaine et son cycle saisonnier.

Les produits adaptés

Evolution d’indices de la mousson en cours

  • Evolution de la mousson comparée à la climatologie pour 3 bandes de longitude : Sénégal – Sahel Ouest – Sahel Est, synthétisé par la page 2 de la Synthèse journalière (Daily Summary)
  • Structure de la mousson
    • Vision moyenne dans la couche 950-600 hPa montrant le cisaillement, l’épaisseur du flux de mousson, l’écoulement moyen (intensité et tourbillon) et aux niveaux clés du JEA (600 hPa) et de la surface (950 hPa). Prévision Synoptique Cartes prévues – Misva (aeris-data.fr) PRÉVISION SYNOPTIQUE > CARTES PRÉVUES
      • paramètres : LowLev-Diag 950-600 - West-Africa
  • 4 niveaux clés à examiner

Références

Handbook

Chapitre 1 Climat moyen et cycle annuel pages 27-81

Articles

Panthou G., T. Vischel and T. Lebel 2014: Recent trends in the regime of extreme rainfall in the Central Sahel. Int. J. Climatol. 34: 3998–4006

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