Moyennes latitudes

Moyennes latitudes

Définition et rôle de la circulation aux moyennes latitudes

Le système de mousson ouest-africain (WAM par la suite pour West African Monsoon) n’est pas isolé et interagit directement avec la circulation des régions avoisinantes et plus particulièrement avec les systèmes ondulatoires des zones équatoriales et des moyennes latitudes. Les forçages induits par ces ondes permettent d’augmenter la prédictibilité de la WAM d’où l’importance pour le prévisionniste de les suivre et les caractériser.

La circulation aux moyennes latitudes de l’hémisphère Nord est caractérisée entre autres par l’occurrence d’ondes de Rossby se propageant vers l’Est associées aux perturbations. Celles-ci sont plus fortes durant l’hiver, cependant durant la WAM l’activité de ces ondes est plus faible, voire nulle, mais elles circulent plus au Sud et peuvent ainsi interagir avec la WAM. Ceci est particulièrement vrai durant les périodes de transition en début et en fin de saison de mousson.

Archétype des ondes de Rossby interagissant avec la WAM

Les animations ci-dessous illustrent la structure dominante des ondes de Rossby des moyennes latitudes interagissant avec la WAM durant la période de mousson africaine (JJAS) issue d’une analyse composite. Elle permet de proposer un modèle conceptuel de forçage de la WAM par ces ondes de Rossby via la dépression thermique saharienne (HL par la suite pour Heat Low).


Signature dynamique à 200 hPa: L’animation ci-contre des fluctuations du vent et du géopotentiel sur une période de 20 jours illustre les oscillations du jet d’ouest polaire dans la bande de latitude 40-60°N lors des événements d’interaction avec la WAM. Les perturbations de vent se propagent lentement (~3 ms-1) vers l’Est en traversant l’Atlantique puis bifurquent vers la Méditerranée en arrivant sur l’Europe. Elles correspondent à de fortes oscillations du vent méridien. Ces ondes de Rossby sont quasi-stationnaires mais propagent rapidement leur énergie vers l’Est (~30 ms-1), elles sont également quasi-barotropes avec une signature en température potentielle Ɵ plus forte à 850 hPa.

Animation des fluctuations de géopotentiel (couleurs en m) et de vent (flèches en ms-1) à 200 hPa d’une onde de Rossby des moyennes latitudes. Les isolignes épaisses représentent le cœur du jet d’ouest polaire (vent zonale > 20 ms-1 par pas de 10 ms-1).

Signature thermique à 850 hPa : L’animation correspondante pour la température potentielle Ɵ à 850h montre le fort impact des perturbations de vents méridiens avec des oscillations de température jusqu’à 3° (négative et positive respectivement pour les perturbations de vent de nord et de sud suite à une forte baroclinie). Ces anomalies se propagent vers le Sud sur la Libye et l’Egypte, vers le Sahel Est. La phase froide de cette pénétration des ondes de Rossby correspond aux ”Cold surges“ documentés par Vizy and Cook (2009) qui réduit fortement l’activité convective.  Ces ondes de Rossby modulent fortement la structure du HL (intensité, extension, position) identifié par les isolignes noires (Ɵ850 ≥300K) de l’animation.

Ces ondes de Rossby précédent de 4 jours les oscillations du HL contribuant ainsi à l’apparition d’un mode de variabilité à 14 jours du HL caractérisé par une modulation de son intensité avec une opposition de phase entre l’Est et l’Ouest. Ce mode est décrit dans l’objet Dépression thermique (Heat Low) de cette documentation en ligne.

Animation de la signature en fluctuations de Ɵ (couleurs) et de vent (flèches) à 850 hPa d’une onde de Rossby des moyennes latitudes et de son impact sur le HL (isolignes épaisses au-dessus de 28°C).

Les ondes de Rossby des moyennes latitudes ont différents impacts sur le système de mousson:

  1. Forçage du mode HL
  2. Evénement du type « Cold surges »
  3. Interaction avec les AEW
  4. Intrusions d’air sec extra-tropicales
  5. Panaches tropicaux (Tropical Plume)

Principales caractéristiques

Ondes de Roosby

  • Associées à la zone de sortie du Jet d’Ouest Polaire sur l’Atlantique. Ces ondes sont d’autant plus intenses que l’intensité du jet polaire est plus forte.
  • Ondes quasi-stationnaires et quasi-barotropes de longueur d’onde ~4-5000 km. NB : le caractère quasi-stationnaire favorise l’impact sur la WAM.
  • Propagation lente vers l’Est (~3 ms-1), mais rapide de son énergie vers l’Est (vitesse de groupe ~30 ms-1)
  • Fortes oscillations du vent méridien à 200 hPa (5-10 ms-1) et de Ɵ à 850 hPa (3°K).
  • Forçage du mode HL via la modulation du vent méridien (ventilation) lors de sa pénétration sur le Sahel.
  • Plus actives en début et fin de saison de mousson avec une trajectoire plus sud permettant une meilleure interaction avec la WAM.
  • Activité très variable suivant l’année et parfois un caractère moins quasi-stationnaire. C’est une question encore ouverte nécessitant plus de recherches et d’attention des prévisionnistes.

Forçage du mode HL et « Cold surges »

  • Période ~15 j. Opposition entre l’Est et l’Ouest du Sahel
  • Phase HLE : Faible ventilation à l’Est avec un renforcement du HL, du flux de mousson et de l’activité convective.
  • Phase HLW : Fort refroidissement sur l’Est de la Méditerranée se propageant vers le Sahel Est (~4 ms-1) qu’il atteint 4 jours plus tard, correspondant à un événementCold surge qui réduit l’activité convective. A l’opposé sur le Sahel Ouest le HL se renforce et s’étend en se rapprochant de la côte atlantique et l’activité convective s’intensifie.
  • Entre les 2 phases le renforcement de la convection se déplace d’Est en Ouest.
  • A noter que la combinaison d’une onde de Rossby des moyennes latitudes avec le mode sahélien (du type onde de Rossby équatoriale) peut expliquer jusqu’à 1/3 des cas d’événements intenses sur le Sahel.
  • Le basculement entre phase HLE et HLW est favorable au déclenchement de la mousson (onset) sur le Sahel Ouest.

Interactions avec les AEW

  • L’interaction avec les ondes de Rossby peut amplifier subitement les ondes d’Est (AEW) lorsque la perturbation de sud de l’onde de Rossby est en phase avec la poussée de mousson derrière le thalweg de l’AEW, ou/et la situation inverse à l’avant du thalweg.
  • En cas d’opposition de phase des deux ondes (Rossby et AEW se propageant en sens inverse) cela peut étouffer l’AEW (temporairement).

Intrusions d’air sec extra-tropicales

  • Il s’agit de poches d’air très sec (RH < 10 %) observées sur plusieurs régions tropicales en troposphère libre et d’origine extratropicale, qui sur le Sahel peuvent inhiber la convection ou favoriser son organisation dans le cas des lignes de grains.
  • Elles proviennent de régions situées vers 50°N, du côté anticyclonique du jet polaire, à des niveaux élevés (200-250 hPa). Elles commencent à descendre au-dessus de l’Europe en se déplaçant vers le sud le long des isentropes 330 K, pour atteindre quelques jours plus tard la moyenne troposphère sahélienne (Roca et al. 2005).

Panaches tropicaux (Tropical Plume)

  • A l’échelle synoptique, durant l’hiver boréal la pénétration des dépressions d’altitude des moyennes latitudes vers les basses latitudes (dites ”gouttes froides d’altitude“ marquées par une forte anomalie de tourbillon potentiel (PV)) génèrent un “panache tropical” sur leur flanc sud, sur l’océan Atlantique et le nord-ouest de l’Afrique.
  • Le schéma ci-contre donne le modèle conceptuel présenté dans le Handbook (section 2.1.4, Fig. 2.20).
  • Ces événements précipitants sur l’Afrique de l’Ouest pendant la saison sèche sont parfois appelés les pluies des « Mangues » et correspondent à une remontée du FIT et un verdissement du Sahel.
  • A noter la bonne capacité des modèles numériques à prévoir ces événements.
Illustration schématique des circulations de grande échelle associées aux événements précipitants en saison sèche sur l’Afrique de l’Ouest. Cette situation résulte de la pénétration d’une dépression d’altitude, affectant surtout l’Ouest du Sahel. Les lignes noires épaisses donnent la situation de la dépression, et la flèche en traits noirs gras donne la position du maximum du jet subtropical. Les flèches en traits gris fins indiquent l’apport d’humidité au niveau de la moyenne troposphère, en provenance des tropiques. Les régions tachetées indiquent la position des nuages élevés et les hachures délimitent les zones principales de précipitations. Les grisés clairs délimitent la zone d’instabilité convective sous l’air plus froid des niveaux élevés. Les grisés foncés indiquent l’existence d’un forçage quasi géostrophique pour une ascendance en moyenne troposphère. Les pointillés limitent la région d’instabilité inertielle dans les couches élevées, sur le côté anticyclonique du jet (Source: Knippertz, 2007)

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Références

Chauvin F, Roehrig R, Lafore JP. 2010. Intraseasonal variability of the Saharan heat low and its link with midlatitudes. J. Climate. 23: 2544-2561.

Knippertz P. 2007. Tropical–extratropical interactions related to upper‐level troughs at low latitudes. Dyn. Atmos. Oceans 43: 36–62. doi: 10.1016/j.dynatmoce.2006.06.003.

Roehrig R, Chauvin F, Lafore J-P. 2011. 10-25 day intraseasonal variability of convection over the Sahel: a role of the Saharan heat low and midlatitudes. J. Climate 24: 5863-5878.

Roca R, Lafore JP, Piriou C, Redelsperger JL. 2005. Extra‐tropical dry air intrusions into the West African monsoon mid‐troposphere: an important factor for the convective activity over Sahel. J. Atmos. Sci. 62: 390–407.

Vizy EK, Cook KH. 2009. A mechanism for African monsoon breaks: Mediterranean cold air surges. J. Geophys. Res. 114 : D01104. doi :10.1029/2008JD010654.

Vizy EK, Cook KH. 2014. Impact of cold air surges on rainfall variability in the Sahel and wet African tropics: a multi-scale analysis. Clim. Dyn. 43: 1057-1081. doi: 10.1007/s00382-013-1953-z.

Handbook

  • Section 2.1.2.1 La dépression thermique saharienne Pages 86-89
  • Section 2.1.4 Les dépressions des moyennes latitudes et de la haute troposphère Pages 119-124
  • Section 2.1.5 Intrusions d’air sec extra-tropical Pages 124-126
  • Section 7.1.5.1.2 Le mode Sahélien Pages 452-453
  • Section 7.1.6 Mécanismes pour les fréquences d’occurrence des séquences sèches et humides Pages 460-462

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