Ondes d’Est Africaines et Jet d’Est Africain (AEW et JEA)

Ondes d’Est Africaines et Jet d’Est Africain (AEW et JEA)

Définition et intérêt du JEA et des AEW 

Les ondes d’Est africaine (AEW par la suite pour African Easterly Waves) sont des perturbations synoptiques essentielles de l’Afrique de l’Ouest pendant l’hivernage et plus particulièrement pour le Sahel que le prévisionniste doit suivre et prévoir.  Les AEW sont des perturbations qui modulent fortement les pluies sur le Sahel (30%) et favorisent l’occurrence de systèmes convectifs au sein de leur structure. D’une part les modèles de prévisions actuels ne représentent pas correctement ce couplage entre AEW et systèmes orageux, rendant peu crédibles les précipitations prévues. En revanche les modèles représentent bien les AEW et leur propagation. L’approche adoptée dans MISVA et présentée ici pour les AEW consiste à documenter :

  • La structure d’une AEW – modèle conceptuel: thalweg, dorsale, anomalie de PW,  qui permet de caractériser une AEW du jour et de localiser la convection.
  • Les caractéristiques d’une AEW: période, longueur d’onde, zone et mécanisme de genèse, trains d’AEW qui permettent d’anticiper l’arrivée d’une AEW 
  • Les facteurs influençant l’occurrence et l’intensité d’une AEW – JEA, ondes équatoriales, contexte saisonnier – qui permettent à un prévisionniste de juger si l’AEW étudiée pourra favoriser de forts systèmes orageux propagatifs ou plutôt moins structurés.

Les AEW sont générées via des mécanismes d’instabilité barotrope et barocline associés à l’occurrence du Jet d’Est Africain (JEA) zonal caractérisé par un vent d’Est atteignant ~15 ms-1 vers 600-700 hPa.

Modèle conceptuel de la structure d’une AEW

La Figure ci-contre propose une représentation schématique de la structure typique d’une AEW pour les 3 niveaux que le prévisionniste doit analyser (600-700 hPa, 850 hPa et surface). Elle résulte de réunions et de discussions entre prévisionnistes, modélisateurs et expérimentateurs, et représente un consensus nouveau sur la structure des AEW. Une présentation détaillée de ce schéma conceptuel est disponible dans la section 2.1.3.3 du chapitre « Systèmes synoptiques » du Manuel du prévisionniste en Afrique de l’Ouest (Handbook) mis en ligne sur ce site.

Panneaux 1 et 2 : niveaux 600-700 hPa

La signature dynamique des AEW est la plus forte au niveau du JEA (600-700 hPa), elle a fait l’objet de nombreuses recherches théoriques et analyses composites. Elle s’appuie sur des variables dynamiques comme les lignes de courants, le vent méridien et zonal, le tourbillon, et des objets caractéristiques comme les thalwegs et dorsales, le cœur du JEA renforcé au niveau du thalweg… Le panneau 1 schématise la configuration typique de ces critères dynamiques, avec entre autres des thalwegs inclinés horizontalement dans le sens opposé au cisaillement méridien de vent zonal (signature du transfert barotrope d’énergie de l’AEJ vers l’onde). Le panneau 2 illustre une autre configuration (parmi les nombreuses variantes possibles) où le thalweg au sud du cœur de l’AEJ est incliné dans le sens du cisaillement méridien de vent zonal.

Panneaux 3 et 4 :

Les prévisionnistes préfèrent souvent le niveau intermédiaires 850 hPa pour lequel le vent zonal est faible, permettant d’identifier des circulations fermées avec les lignes de courant. Celles cycloniques correspondent à la ligne du maximum de tourbillon à 850 hPa, au sud de l’AEJ, déterminant le « thalweg de mousson » favorable aux développements orageux. Une autre circulation fermée peut être détectée dans la partie nord du thalweg comme illustrée par le panneau 4

L’approche en anomalies promue par MISVA complète et précise la structure de l’onde: ainsi l’anomalie d’eau précipitable PW* permet d’identifier un doublet d’anomalies sèche et humide respectivement à l’ouest et à l’est du thalweg.

L’écoulement moyen dans la couche sous le JEA (925-600 hPa) complète la description de l’état de l’onde en visualisant le transport méridien. Ainsi en phase de croissance de l’AEW, l’advection de nord (poussée d’Harmatan) va renforcer l’anomalie sèche et chaude à l’ouest du thalweg, et celle de sud (poussée de mousson) va renforcer l’anomalie humide et fraiche à l’est. Ce diagnostic est efficace pour positionner les thalwegs et dorsales, et également pour détecter la genèse des AEW sur le Sahel Est.

Panneau 5 :

L’onde est également bien marquée en surface et dans les basses couches. On note ainsi :

  • Renforcement de la dépression thermique (HL par la suite pour Heat Low) sous l’anomalie sèche et chaude à l’ouest du thalweg, avec un retrait du FIT (ITD par la suite pour Inter Tropical Discontinuity) dû à la poussée de nord.
  • Inversement à l’est du thalweg, affaiblissement du HL, renforcement du flux de mousson et de son épaisseur, et avancée du FIT vers le nord.

Panneau 6 :

Le cycle diurne est fort en surface et dans les basses couches avec un renforcement de la poussée de mousson durant la nuit pouvant déplacer le FIT de 300 à 500 km vers le nord. Il est ainsi recommandé de tracer le FIT à 06UTC au moment où celui-ci est le plus marqué et le plus au nord.

Panneaux 1 et 2 : Les systèmes convectifs de mésoéchelle (Mesoscale Convective Systems – MCS) à propagation rapide se produisent typiquement le long de l’axe du JEA à l’avant du thalweg avec des conditions favorables de fort cisaillement vertical du vent et de sécheresse prononcée en moyenne troposphère. Plus rapides que l’onde, ils peuvent se propager jusqu’à la dorsale. Les systèmes convectifs plus lents s’observent plus au sud, où le cisaillement vertical du vent est plus faible et où la couche de mousson est plus épaisse.

Représentation schématique des différents éléments d’une AEW, et de leurs relations mutuelles. Les panneaux 1, 3 and 5 montrent une situation « normale » – pour autant que cela existe – et les panneaux 2, 4 and 6 se rapportent à des variations communes. Par exemple, les structures représentées sur le panneau 2 sont celles attendues dans un environnement avec un cisaillement barotrope renforcé par des vents d’est plus soutenus au nord (i.e. ∂u/∂y < 0).
Panneau 1 à 600-700 hPa
Panneau 2 à 600-700 hPa
Panneau 3 à 850 hPa
Panneau 4 à 850 hPa
Panneau 5 en surface le jour
Panneau 6 en surface la nuit

Avertissement : En réalité chaque AEW est unique avec ses propres caractéristiques, ainsi ce schéma conceptuel pourrait être trompeur s’il était vu comme la structure unique de toutes les AEW qui ne refléterait pas la gamme très large des observations. Le prévisionniste doit donc identifier tous les critères proposés pour caractériser l’AEW en cours et prévoir son évolution, le schéma conceptuel ne servant que de guide et élément de comparaison.

Principales caractéristiques

Origine / caractéristiques

  • Les AEW sont générées via des mécanismes d’instabilité (barotrope et barocline) le long du Jet d’Est Africain (JEA), un vent d’Est atteignant ~15 ms-1 vers 600-700 hPa. 
  • L’axe du JEA correspond à la bande zonale de forts gradients méridiens de température (baroclinie) et d’humidité (hydroclinie) séparant les régions soudanaises humides et relativement froides des zones sahariennes sèches et chaudes. 
  • La position moyenne du JEA en été se situe autour du 16°N, mais ses variations méridiennes sont importantes (entre le 8°N et le 20°N). Le JEA est un acteur clé de la mousson à surveiller, à travers ses oscillations correspondant aux AEW, mais aussi son cisaillement vertical de vent qui joue sur l’organisation des systèmes convectifs.
  • Les AEW correspondent à des oscillations du JEA, c’est-à-dire un signal dynamique en u,v, tourbillon ; et en eau précipitable PW pour la partie au nord du Sahel
  • L’AEW est un mode synoptique (période ~5 j ; longueur d’onde zonale ~3-4000 km) se propageant vers l’Ouest (~9 ms-1 soit ~800 km/j). Les AEW sont cependant moins propagatives et plus lente à l’Est du Sahel.
  • Robuste et fréquent (3-4 ondes/mois à un endroit donné), se produisant par paquet de l’ordre de 3 ondes successives, souvent de plus en plus intenses au sein d’un même train d’ondes
  • Les AEW sont initiées sur le Sahel Est via des mécanismes de forçage faisant encore l’objet de recherches, par :
    • les ondes équatoriales de Rossby,
    • les ondes de Rossby des moyennes latitudes pénétrant sur l’Afrique de l’Ouest, 
    • et la convection sur la région du Darfour.

Facteurs pilotant intensité

  • JEA – largeur et intensité : Les AEW sont d’autant plus fortes que le cœur du JEA est large et intense.
  • Tourbillon, PW et anomalie de PW : Une structure marquée en dynamique (tourbillon) et en eau précipitable  (anomalie PW*> 0, brut PW> 45mm) favorisent l’activité convective.
  • Position au sein d’un train d’AEW : L’énergie se propage vers l’est permettant l’amplification de la nouvelle onde par la précédente au sein d’un même paquet d’AEW.
  • Connexion avec les moyennes latitudes : Les anomalies de vent de sud et nord peuvent parfois s’étendre de l’équateur à l’Europe, formant un contexte favorable à des systèmes orageux marquées dans l’AEW.

Contexte ondulatoire 

  • Le passage d’une onde de Kelvin favorise la genèse d’une AEW dans son sillage, via une convergence en basse souche et un renforcement du JEA.
  • La phase active de la MJO (VP200) correspond à des AEW plus efficaces 
  • La phase humide des ondes équatoriales de Rossby favorisent des AEW plus efficaces.

L’activité dynamique des AEW est quantifiée par l’énergie cinétique associée aux anomalies de vent de l’AEW (EKE). Pour résumer, l’EKE augmente quand le JEA est large et fort, après le passage d’une onde de Kelvin, en phase active de la MJO et en phase humide d’une onde de Rossby équatoriale.

Les produits adaptés

Uniquement listés. Interprétation et utilisation fournies dans Produit

Le schéma conceptuel ci-dessus fournit un cadre méthodologique pour suivre et prévoir les AEW. Mais au préalable il est essentiel d’analyser l’activité des AEW dans un contexte de plus grande échelle.

AEW et JEA à l’échelle de la saison et semaines en cours et à venir 

  • Prévision saisonnière (ensembles) : JEA position et intensité à l’échelle mensuelle Lien à mettre avec http://seasonal.meteo.fr/
  • Prévision sub-saisonnière (ensembles) : Indice d’activité du JEA et des AEW sur les semaines précédentes et à venir :
    • Activité des AEW : Ce produit EKE_AEW correspond à l’énergie cinétique des AEW. Il est disponible moyenné de 18°W à 30°E, pour 2 bandes de latitudes continentales [5°N-15°N] et [10°N-20°N], sous Observations Séries Temporelles – Misva (aeris-data.fr)
      • Paramètres : EKE700 – AEW – WestAfrica
    • Evolution Intensité et position du JEA
    • Contexte d’ondes équatoriales dans lequel les AEW vont évoluer :
      • Hovmöller filtré d’ondes (VP200, SF200, PW*)

Structure du JEA et des AEW

Références

Handbook

  • JEA
    • Section 2.1.2.3 Le jet d’est africain (JEA) pages 91-92
    • Section 11.8 WASA-F: Tracé JEA pages 717-718
  • AEW
    • Section 2.1.3 Les ondes d’est africaines pages 93-119
    • Section 11.9 WASA-F: AEW et tourbillons pages 720-726

Illustrations et cas d’études

  • Handbook 
    • Section 2.2.2 Cas d’étude d’ondes d’est et structure canonique : pages 137-145
    • 2.2.2.1 Un archétype d’onde d’est : le cas d’étude CS02 des 12-16 août 2012:  pages 137-140
    • 2.2.2.2 Cas d’étude de déferlement d’une onde d’est : pages 140-143 
    • 2.2.2.3 Transformations des ondes d’est au passage de la côte : pages 143-145 
  • Site bilingue handbook case study (umr-cnrm.fr)
    • CS01: 1-10 août 2012 – Cycle de vie, structure et passage sur l’Afrique de l’Ouest d’un train d’Ondes d’Est africaines. Il en résulte un cas de déferlement du JEA.
    • CS02: 13-16 août 2012 – Cycle de vie, structure et passage sur l’Afrique de l’Ouest d’une Onde d’Est typique

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