Paramètre Eau Précipitable

Paramètre Eau Précipitable

Définition

L’eau précipitable (PW) est définie comme l’intégrale du contenu en vapeur d’eau sur la colonne atmosphérique et s’exprime en mm. Elle est donnée par la relation ci-dessous ou q représente l’humidité spécifique de l’atmosphère (kg/kg), p la pression (Pa) et g la gravité. L’intégrale se fait entre la surface et le sommet de l’atmosphère. En somme PW représente la quantité de précipitation que l’on obtiendrait si toute la vapeur d’eau d’une colonne d’air se condensait.

Lien pluie – eau précipitable

Le Lien entre PW et la pluie est illustré sur la figure 1 ci-contre.

Elle montre les précipitations observées en fonction des valeurs de PW pour quatre régions différentes (L’Afrique de l’Ouest est en jaune).

Une propriété importante est que les précipitations horaires et journalières augmentent avec la valeur de PW: plus PW est grand, plus les précipitations sont importantes. Cette augmentation n’est toutefois pas linéaire (régulière). Il existe en effet un effet de seuil autour de 40 / 45 mm selon les régions et selon la température de la troposphère. C’est ce qu’illustrent les trois panels ci-contre où la relation PW/ pluie est montrée pour 3 valeurs de la température moyenne de la troposphère.

Ainsi une pluie de 0.5 mm/h, la valeur de PW passe de 55 mm pour une température de 270 K à une valeur de 60 mm quand la température vaut 272 K. Cela implique que la valeur seuil de déclenchement des pluies ou pour obtenir un taux de précipitation donné diminue avec la température de l’atmosphère. Par exemple pour PW=50 mm, les pluies seront plus forte si l’atmosphère est « froide » que si elle est chaude.

Au Sahel, une valeur empirique de déclenchement de précipitation > 1 mm / j tourne autour de PW=40-45 mm. C’est ce qu’illustre la figure de droite dans le cas du Sénégal (points rouges). On peut également consulter la documentation de l’objet systèmes convectifs pour plus de détails.

Figure 1: Relation PW (abscisse, mm) / pluie (mm) pour 3 différentes températures de troposphère (270, 271 et 272 K). Tiré de Ahmed et Neelin (2018) @AMS
L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est P-PW-300x185.jpg.
Figure 2 : Taux moyen de précipitation observé 〈P〉 (mm h−1) en fonction de l’eau précipitable (PW, mm), pour le Pacifique est pour des tranches de 1°K de la température ˆT moyennée verticalement de la troposphère. Pour comparaison avec le Sahel, les points rouges correspondent aux précipitations journalières 〈P〉 (mm jour−1) observées par le réseau de pluviomètres du Sénégal sur la période 2000-2011. Source : Figure 3.5 du Handbook.

Modulation par les ondes équatoriales

Evolution temporelle

Les modulations sont le résultat d’un équilibre entre plusieurs mécanismes, ou processus décrits par l’équation ci-dessous:

L’évolution locale de PW est ainsi fonction de l’évaporation (E), des précipitation (P) et d’un terme de convergence de flux d’humidité intégré sur la verticale. L’évaporation renforce PW, l’occurrence de précipitations diminue PW (c’est le carburant de la convection profonde). Un des intérêts de travailler avec PW réside dans ce dernier terme de convergence d’humidité. Lorsqu’il y a convergence d’humidité (ou advection d’air plus humide), la valeur de PW augmente.

L’évolution locale de PW est montrée sur la figure ci-contre pour Dakar (Sénégal). Durant la période fin juin – début juillet, on peut voir des phases sèches, où PW ~ 35 mm, avec des valeurs de PW trop basses pour déclencher les pluies, et des phases plus humides durant lesquelles PW atteint 50, voire 58 mm. L’analyse de l’évolution de PW permet donc d’anticiper les pluies. Ce type de graphique mêlant observation et prévision est disponible dans les séries temporelles prévues (lien ici pour le modèle déterministe et ici pour les prévisions d’ensemble).

2021-07-14
Figure 3: Evolution temporelle de PW à Dakar dérivée des radiosondes (carré noir), des analyses ECMWF (rouge) et des prévisions ECMWF (vert). Produit MISVA accessible ici.

Cohérence spatiale pluie / PW

Le renforcement du flux de mousson, le passage d’une onde peuvent par exemple transporter PW et modifier PW localement. On illustre sur la figure de droite le moment où l’anomalie humide de PW associée à une onde d’est africaine passe à 0°E.

On distingue sur la figure du bas une alternance d’anomalie sèche et humide délimitée par un flux de sud (thalweg) et de nord (dorsale). Le lien avec la pluie est montré sur la figure du haut. Le maximum de précipitation (d’anomalie de précipitation) est centré sur le maximum de PW et correspond à un minimum d’OLR. Cette structure marquée en PW se propage d’est en ouest avec une très bonne cohérence dans le temps. On notera l’amplitude de l’anomalie de PW humide, autour de 5-10 mm, qui permet de faire passe un PW de 40 mm – trop bas pour déclencher les pluies – à une valeur de PW=45-50 mm qui est suffisante pour déclencher des précipitations.

En considérant à nouveau l’évolution temporelle de PW sur Dakar (Fig. 2) , on comprend mieux les variations de PW: les valeurs faible de PW ~ 30 mm correspondent à des anomalies négatives de PW par rapport à la climatologie (en gris sur la figure) et sont le reflet de la phase sèche de l’onde d’est Africaine. C’est par exemple le cas du 4 au 6 juillet avec des valeur de PW ~ 27 mm par rapport à la valeur climatologique de 37 mm et qui corresponde à la situation décrite sur la figure 3: Une anomalie sèche à l’avant de l’anomalie humide, d’environ -5, -10 mm.

Une fois que la phase sèche est passée, l’anomalie (ou phase) humide arrive du 6 au 9 juillet avec des valeurs de PW autour de +10 mm par rapport à la climatologie.

Figure 4 : Structure typique d’une ondes d’est africaine: Anomalie de pluie (contour, mm/j) et OLR (couleur W/m2) en haut et anomalie de PW (mm) et vent à 925 hPa (bas). Composite réalisé à partir d’ERA Interim sur la période 1989-2007. Source: Extrait Figures 5 et 10 de Poan et al. 2013.

L’eau précipitable est potentiellement modulée par toutes les ondes équatoriales, même si dans la pratique ce sont surtout les AEW et les ondes de Rossby équatoriales qui impactent le plus PW. De manière à ne pas rater une anomalie humide associée à une onde, un des produits phares de MISVA est la carte d’anomalie intrasaionnière de PW, qui aggrège l’effet de toutes les ondes sur l’évolution de PW. Ce produit de prévision et sa documentation sont disponibles ici, en activant le paramètre PW.

Intérêt pour la prévision de la pluie

Corrélation modèle / observation

L’avantage de travailler avec PW est d’avoir un prédicteur de la pluie qui a une évolution spatiale et temporelle moins bruitée que la pluie, et donc plus prévisible. Les figures illustrent ce point qui est au centre de la démarche de MISVA.

Figure 5 : Evolution pour JJAS 2018 et 2019 de précipitation (haut, mm/j) et de PW (bas, mm) moyennées sur [ 6.6N-24N; 10W-10E] pour la référence observée (TMPA pour les pluies, ERA Interim pour PW), les prévisions Arpege (rouge), ECMWF (bleu), AROME (violet). Les chiffires indiquent les corrélations avec la référence et la valeur moyenne.

La figure ci-dessus permet de comparer l’évolution moyenne en Afrique de l’Ouest de la pluie (haut) et de PW (bas) sur deux saisons. Malgré la moyenne sur un grand domaine, le caractère bruité de la pluie comparé à PW ressort bien. On distingue bien une succession de pic et creux de précipitations durant la mousson avec les observations (noir) et dans une certaine mesure pour les modèles de prévision, qui ont une tendance générale à sousestimer les pluies (valeurs moyennes notamment). La performance des modèles de prévisions déterministes est indiquée par des corrélations aux observations satellite TMPA-3B42. Elles sont de l’ordre de 0.6-0.7 en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une moyenne sur un grand domaine, les valeurs de corrélation en point de grille étant plutôt de l’ordre de 0.1-0.3. A l’inverse PW montre une évolution temporelle beaucoup plus lisse, avec des valeurs de corrélations au-delà de 0.98 pour tous les modèles. C’est une information très importante qui montre que PW est mieux prévu par les modèles que la pluie. Les valeurs moyennes sont également du même ordre de grandeur entre observations et modèles de prévision.

Biais en pluie / PW des modèles de prévision

La figure ci-contre donne une idée des biais en précipitation et en PW du modèle de prévision ECMWF. Il présente un déficit de pluie au nord de 10°N sur toute la bande sahélienne et un excédent de pluie entre la côte et 10°N. Ce biais en pluie hebdomadaire se retrouve à l’échelle journalière et fait qu’il est difficile de faire confiance aux pluies prévues par ECMWF puisqu’il n’arrive pas à prévoir les évènements pluvieux qui contribuent à la moyenne hebdomadaire.

Figure 6: Biais hebdomadaire pour la 1ere semaine de prévisions des re-prévisions ECMWF sur la période [1999-2019] pour les terciles supérieurs des pluies (mm/j gauche) et de l’eau précipitable (mm, droite).

La prévision du paramètre PW présente quant à lui un biais très faible, de l’ordre de 2 mm, permettant d’avoir confiance dans les valeurs de PW données par la prévision. C’est un point important compte tenu de l’effet de seuil qui existe entre PW et la pluie. Ce seuil est a priori bien prévu par le modèle de prévision du ECMWF.

Evaluation de PW pour la prévision des ondes d’est africaines

Le dernier point abordé ici concerne la prévision des anomalies de PW associées aux ondes d’est africaines (AEW). Les figures précédentes montrent un bon comportement général du modèle de prévision ECMWF en terme de corrélation et biais.

La figure ci-contre montre comment une anomalie humide observée sur le Sénégal à J0 est prévue par les prévisions initialisées quelques jours plus tôt. L’analyse à J0 (figure du haut) permet de retrouver la structure typique d’une AEW avec un pôle humide entouré d’anomalies sèches sur son flanc est et ouest. La prévision initialisée à J-3 permet de retrouver cette structure avec un bon degré de réalisme, à la fois pour les structures spatiales et les intensités des anomalies. Pour les prévisions initialisées 6 et 8 jours, on retrouve encore le signal d’une AEW sur le Sénégal en terme de structure mais avec un signal plus faible.

Le modèle de ECMWF est donc capable de bien prévoir l’évolution d’une AEW, du moins son occurrence, et pas totalement en intensité jusqu’à 8-10 jours d’échéances. Cela donne un fort potentiel de prévisibilité à l’anomalie de PW dont on peut déduire la signature en précipitation avec la Figure 4 décrite précédemment.

Figure 7: Carte composite d’anomalie d’eau précipitable (mm) observée à J0 sur le Sénégal (Analyses ECMWF) et prévue par le modèle initialisé 3, 6 et 8 jours avant l’arrivée de l’anomalie humide (Prévision ECMWF). Les données de PW sont filtrées initialement dans la gamme 2-10 jours. Les composite sont réalisées sur la période [2011-2017]. Le composite à J0 représente la moyenne de tous les événements présentant un maximum de PW sur le Sénégal.

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