Tourbillon barotrope et cisaillement sur la couche 925-600 hPa

Tourbillon barotrope et cisaillement sur la couche 925-600 hPa

Définition

Ce produit concerne plus spécifiquement l’analyse et la prévision des événements précipitants forts à extrêmes. Il utilise l’approche INTEGRAL VERTICAL ON A LAYER – Misva (aeris-data.fr) dans la couche 925-600 hPa. Il propose un panel de 4 cartes (Figure ci-dessous) sur 2 domaines possibles l’Afrique de l’Ouest et l’Atlantique et est accessible sous:

Prévision Synoptique Cartes prévues – Misva (aeris-data.fr) Paramètres : LowLevel-Diag 925-600 WestAfrica ou Atlantic

Analyse du 30 août 2021 à 00UTC. En haut à gauche: Lignes de flux (bleu) pour le flux moyen dans la couche 950-600 hPa, avec l’intensité du vent horizontal moyen (isolignes noires au-dessus de 7,5 m s–1) et tourbillon (en couleur, 10–5 s–1). En bas: Mêmes cartes mais aux niveaux 600 hPa (à gauche) et 850 hPa (à droite).  En haut à droite: épaisseur de mousson équivalente MD (m) avec la superposition du vecteur cisaillement de vent (m s–1) dans la couche 600-950 hPa. L’isoligne épaisse délimite les zones où le cisaillement a une valeur supérieure à 20 m s-1.

Interprétation

1. Domaine Afrique de l’Ouest

  • L’information principale concerne le tourbillon barotrope (en haut à gauche) permettant d’identifier les forts tourbillons cycloniques (couleurs chaudes) autour desquelles les lignes de flux s’enroulent.
  • Etant peu inclinés sur la verticale, ils sont favorables à des événements précipitants forts à extrêmes.
  • Ils correspondent à de forts thalwegs d’AEW, et à son déferlement dans les cas les plus extrêmes.
  • Ils sont localisés sur le flanc sud du noyau de vent (AEJ) conformément au schéma conceptuel des AEW. Dans les cas extrêmes de déferlement ce noyau de vent fort peut s’enrouler complétement autour du vortex.
  • Les cartes aux niveaux 600 et 850 hPa (en bas) permettent de confirmer l’analyse barotrope précédente:
    • verticalité du tourbillon (même position aux 2 niveaux)
    • fort noyau de l’AEJ à 600 hPa
    • fort flux de mousson à 850 hPa
  • Lorsque un puissant vortex coïncide avec une forte épaisseur du flux de mousson MD (zones en bleu, en haut à droite) on peut anticiper un fort événement précipitant.
  • La limite nord du flux de mousson correspond à une chute brutale de MD (rouge à jaune) permettant d’identifier les poussées de mousson sur le Sahel.
  • Les zones de fort cisaillement dans la couche 600-950 hPa (vecteurs et isolignes épaisses) sont favorables aux lignes de grains et indiquent leur vitesse et direction de propagation (cf. objet Convection – Misva (aeris-data.fr)).

2. Domaine Atlantic

Le domaine Atlantique permet de suivre les extrêmes couplés à un puissant tourbillon sur l’Afrique, puis sur l’Atlantique où il peuvent donner lieu à une cyclogenèse dans la zone du Cap Vert et se transformer en cyclone lors de leur traversée de l’Atlantique. Ce produit complémente donc les analyses et prévisions des cyclones tropicaux fournies par le National Hurricane Center (noaa.gov) en aidant les prévisionnistes du Cap Vert à anticiper les événements de cyclogenèse provoqués par le passage de fortes AEW se développant sur l’Afrique et suivies à l’aide du site MISVA.

  • Ce produit permet de bien visualiser le vortex associé aux cyclone tropicaux TC (circulation fermée des lignes de flux), localiser sa position et quantifier son intensité (tourbillon en couleur),
  • si associé à une forte humidité sur une couche profonde (PW et MD)
  • et à l’absence de fort cisaillement peu propice à la formation et au maintien des TC.

Illustration

1. Cas extrême du 30-31 août 2019

  • La figure précédente exhibe un fort vortex humide sur le sud la Sierra Leone ayant provoqué de fortes précipitations sur la région (Guinée, Sierra Leone et Libéria) le 29 août.
  • De fortes précipitations ont également concerné le Sénégal (ci-contre) avec des observations au sol jusqu’à xx mm à Dakar le 30-31 août.
  • Etant au nord du vortex, sous le JEA dans une zone plus sèche mais avec un fort cisaillement, cet événement correspond au passage d’une ligne de grains sur le Sénégal.
Estimation satellitaire IMERG du cumul de précipitations (mm) sur le Sénégal le 30 août 2019.
  • Ce vortex a été prévu jusqu’à 6 jours à l’avance comme confirmé par la prévision à 144 h du 24 août ci-dessous par comparaison avec l’analyse.
    • La prévision du vortex est cependant légèrement surestimée et quelques de degrés plus au nord le long de la côte atlantique, traduisant une propagation légèrement trop rapide
    • Sur le Sénégal, la proximité de l’air sec, le fort JEA et intense cisaillement au nord du vortex permettait d’anticiper des conditions favorables à de fortes lignes de grains 6 jours à l’avance.
Prévision du CEPMMT à 144h pour le 30 août 2021 à 00UTC.

2. Cyclone tropical Larry (31 août – 11 septembre 2019)

Best track du cyclone Larry fournie par le NHC.

Le diagnostic barotrope ci-contre (du 31 août au 6 septembre) permet de bien suivre la transformation du vortex issue de onde d’Est africaine à sa sortie de l’Afrique en un TC en cohérence avec la trajectoire « best track » (ci-dessus) fournie par le National Hurricane Center (noaa.gov)

  • Le 31 août le vortex humide quitte la côte africaine
  • Le 2 septembre le JEA s’enroule et forme une tempête tropicale
  • Dès le 3 septembre il devient un TC
  • Le 4 septembre le JEA disparait pour s’enrouler complétement autour du centre du TC devenu mature et très puissant. Le vortex est vertical, très humide et concentré.
  • Le 6 septembre il atteint son maximum d’intensité et sa trajectoire commence à s’incurver vers le nord.

3. Cas extrême de Ougadougou (1er septembre 2009)

Cet événement exceptionnel avec un record de précipitation de 263 mm observé à Ougadougou a été largement documenté par plusieurs articles (Lafore et al. 2017, Beucher et al 2019) montrant l’ensemble des facteurs multi-échelles ayant contribué à la formation de ce cas. La figure ci-dessous illustre la puissance de l’analyse barotrope de MISVA pour détecter et prévoir les extrêmes.

Prévision à 36h pour le 1er septembre 2009 à 12UTC.
  • Les lignes de flux dans la couche 950-600 hPa forme un vortex très puissant (en rouge tourbillon > 2.10–4 s–1) correspondant au déferlement de l’AEW sur le flanc sud du JEA.
  • Ce vortex humide coïncidant avec une épaisseur forte de la mousson (en bleu >4000 m), est très favorable à l’occurrence d’un événement précipitant fort voire extrême dans le cas présent.
  • Le thalweg précédent a atteint l’Atlantique et est également très fort, montrant qu’on a un puissant train d’ondes d’Est.
  • Entre les 2 thalwegs la dorsale est très sèche (couleurs chaudes – épaisseur flux de mousson < 2500 m).
  • Une fois enclenchés ces vortex humide ont une forte prévisibilité.

Produits complémentaires

L’analyse « barotrope » condense l’essentiel de l’information pertinente pour prévoir des événements précipitants forts et extrêmes. Cependant il est essentiel de prendre en compte d’autres produits pour une analyse en profondeur de la situation comme : le transport méridien, les hovmöllers de PW… Nous illustrons ci-dessous les compléments d’information apportés par ces produits.

1. Cas extrême du 30-31 août 2019

Le transport méridien met en évidence le vortex (ci-contre) centré sur la Sierra Leone. En complément de l’analyse « barotrope » elle montre la mise en phase entre les ondes de Rossby des moyennes latitudes (propagation vers l’Est) et les ondes équatoriales de Rossby et les AEW (propagation vers l’Ouest), permettant l’amplification de ces dernières.

Transport méridien le 30 août 2019 sur le domaine Africa.

Les hovmöllers ci-contre visualisent la propagation des AEW avec leur signature en anomalie de PW, de vent méridien et de tourbillon à 850 hPa. Les événements les plus forts combinent un fort tourbillon (bleu) avec une anomalie humide de PW (bleu). Cependant contrairement à l’analyse « barotrope » :

  • Ces hovmöllers ne permettent pas de détecter la verticalité du tourbillon et sont donc moins pertinent pour les cas extrêmes.
  • Par ailleurs leur sensibilité à la bande zonale est forte.
Hovmöller sur le domaine Africa : (à gauche) de PW* (couleur) et vent méridien à 925 hPa, (à droite) tourbillon à 850 hPa (couleur) et vent méridien à 700 hPa. Analyses jusqu’au 30 août 2019 et prévision du CEPMMT au delà.

2. Cyclone tropical Larry (31 août – 11 septembre 2019)

Sur l’hovmöller ci-contre pris dans une bande un peu plus sud pour contenir la trajectoire Larry on suit la progression et l’intensification du TC :

  • La trace initiale (en tourbillon et PW*) du thalweg de l’onde apparait sur l’Afrique de l’Ouest le 29 août vers 5°E
  • Elle s’amplifie fortement en quittant le continent à partir du 1er septembre (cyclogénèse).
  • Il atteint son maximum autour du 4 septembre
  • Sa trajectoire s’incurvant vers le nord il quitte la bande de l’hovmöller le 5 septembre
  • Bien que de petite taille le tourbillon est accompagné par doublet de vent méridien de grande taille traduisant l’enroulement autour du TC sur un disque de plus de 2000 km de diamètre. Ceci montre l’intérêt du produit « Transport méridien » ci-contre visualisant la portée de la perturbation de la circulation de grande échelle due au TC le 4 septembre.
Hovmöller identique au précédent pour le domaine Atlantique. Analyses jusqu’au 9 septembre 2019, prévision du CEPMMT au-delà.
Transport méridien le 4 septembre 2019 sur le domaine Atlantique.

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